Il est très important de pouvoir vous « assurer » que le professionnel que vous allez faire intervenir soit assuré. Pour les opérations de construction (notion entendue dans un sens large car il ne s’agit pas uniquement de création d’un ouvrage mais également d’intervention sur un ouvrage existant) le professionnel doit obligatoirement être assuré au titre de la « responsabilité décennale » (art. L.241-1 du code des assurances).
L’on parle ici des désordres les plus graves, ceux dont les conséquences sont les plus importantes et les réparations pour y mettre fin les plus onéreuses.
· La première précaution avant de signer un devis consiste donc à demander au professionnel avec qui vous envisagez de contracter qu’il vous justifie qu’il est bien assuré, pour l’année en cours (celle qui correspondra à l’ouverture du chantier), au titre de la garantie décennale. Pour cela, il doit vous communiquer une attestation d’assurance pour l’année en cours que doit lui remettre son assureur.
· La seconde précaution consiste à vérifier que le document que vous remettra le professionnel à ce titre soit complet et qu’il y a toutes les pages (dans un dossier que j’ai eu à traiter seule la première page, sur sept en tout, avait été communiquée ! Il y avait l’indication de l’année pendant laquelle la garantie était due mais pas l’énoncé des activités déclarées).
· La troisième précaution consiste à vérifier que le professionnel est bien assuré pour les prestations qui doivent être réalisées.
Ce dernier point est très important et mérite des explications. Car il peut arriver que des professionnels interviennent pour des « activités » qui ne sont pas comprises dans le champ d’application de la garantie de leur assurance. Cela peut avoir de graves conséquences car l’assureur pourra vous opposer sa non-garantie.
Il faut bien comprendre que la certitude, dès le début du contrat, que vous pourrez mobiliser l’assurance du professionnel est nécessaire car il arrive que ce dernier soit dans l’incapacité au moment où les désordres peuvent survenir de prendre en charge les travaux de réparation et même si vous obtenez une décision de justice à son encontre, s’il n’est pas solvable, cela ne servira pas à grand-chose. Un assureur, lui, est toujours solvable et sera obligé de vous indemniser.
Sauf s’il peut vous opposer sa non-garantie parce que l’activité du professionnel sur votre chantier n’est pas comprise dans la garantie.
Dans plusieurs décisions récentes, la Cour de cassation a adopté des solutions défavorables aux particuliers (Cass. 3ième civ., 18 octobre 2018, n°17-23.741 ; 8 novembre 2018, n°17-24.488) et profitables aux assurances.
La Cour de cassation est dans son rôle de rappeler que le contrat d’assurance doit s’appliquer dans les termes convenus. La force obligatoire attachée au contrat d’assurance, ne lie l’assureur que pour ce à quoi il s’est engagé. Il appartient donc aux particuliers de bien prendre connaissance des conditions de la garantie et de ne s’engager avec le professionnel que si les travaux que ce dernier doit réaliser sur leur chantier sont couverts.
Dans un des deux arrêts, le professionnel était bien assuré pour la réalisation de travaux d’étanchéité mais, et c’est là la subtilité, réalisés selon un procédé particulier. Or, les travaux en question ont été réalisés selon une autre méthode. Les particuliers ont plaidé que quel que soit le procédé il s’agissait toujours de travaux d’étanchéité. Ils n’ont pas été suivis par la Cour de cassation qui juge : « Mais attendu qu'ayant retenu que la société Avilia avait souscrit une police garantissant ses responsabilités civile et décennale en déclarant l'activité n° 10 « Etanchéité sur supports horizontaux ou inclinés exclusivement par procédé Paralon » et constaté qu'elle ne contestait pas avoir mis en œuvre un procédé d'étanchéité Moplas sbs et non un procédé Paralon, la cour d'appel, qui en a exactement déduit qu'elle ne pouvait se prévaloir de la garantie de la société Thelem, peu important que les deux procédés eussent trait à l'étanchéité, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; » (8 novembre 2018, n°17-24.488)
Conseil pratique dans un tel cas : vous devez veiller à ce que le devis et la facture comportent la mention du procédé couvert par la garantie à l’exclusion de tout autre.
Dans une autre affaire, le professionnel de la construction était garanti pour plusieurs activités qui lui permettaient de réaliser la construction d’une maison. Mais le contrat qui avait été conclu avec des particuliers portait sur la « construction d’une maison individuelle ». Les particuliers n’avaient vu aucune différence et lorsque des désordres sont survenus, et alors que le professionnel était en liquidation judiciaire (donc insolvable), ils s‘étaient tournés, sans doute confiants, vers l’assureur. Or, ce dernier a soutenu devant les juges, avec succès, que le professionnel n’avait pas déclaré l’activité de « construction de maison individuelle ». La Cour de cassation décide en effet que : « Mais attendu qu'ayant relevé que la société Euroconstruction avait souscrit un contrat d'assurance garantissant uniquement les travaux de techniques courantes correspondant aux activités déclarées de gros oeuvre, plâtrerie - cloisons sèches, charpentes et ossature bois, couverture- zinguerie, plomberie - installation sanitaire, menuiserie - PVC et que M. X... avait conclu avec la société Euroconstruction un contrat de construction de maison individuelle, garage, piscine, mur de clôture et restauration d'un cabanon en pierre, la cour d'appel en a déduit à bon droit que, l'activité construction de maison individuelle n'ayant pas été déclarée, les demandes en garantie formées par M. X... devaient être rejetées, et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; » (18 octobre 2018, n°17-23.741).
La vigilance s’impose manifestement en une telle matière d’autant que même si la loi impose au maître de l’ouvrage de souscrire une assurance dommages-ouvrages (art. L.242-1 du code des assurances) qui pourra permettre (ce n’est pas là son objet) de palier l’insolvabilité du constructeur et la non-garantie de l’assureur de ce dernier, peu le font parce que cela représente un coût financier qui se rajoute au reste. Dès lors, en cas de désordres importants, le recours contre le constructeur sera illusoire (s’il est toujours en activité, vous pouvez être sûr qu’il se placera sous procédure collective car il ne pourra pas payer l’indemnité due au titre des travaux de réparations si cette dernière est importante, ce qui est très fréquent), seul reste le recours contre l’assureur du constructeur.
Il ne faut pas hésiter à demander conseil. D’une manière générale, une consultation réalisée en amont permettra d’éviter qu’un litige ne survienne et, s’il doit survenir, vous aurez préalablement agi en protégeant au mieux vos intérêts et vous vous retrouverez en position de force devant le tribunal (attention un petit rappel ici s’impose : un avocat n’est pas un magicien et ne travaille pas avec une baguette magique, permettant de transformer des causes perdues d’avance en des causes gagnées d’avance, mais avec de simples stylos et des codes !). Il s’agit tout simplement d’appliquer à la lettre le dicton « il vaut mieux prévenir que guérir » !
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